JUIN 2017
L’OEIL QUI CONTE
LA VILLA DUTOIT • 5 CHEMIN GILBERT-TROLLIET • 1209 PETIT-SACONNEX • GENÈVE
Curatrice : Héloïse Schibler
Installation vidéo « LES MÉTÉORES »
Le temps, la météo : les médias raffolent de ces petites histoires quotidiennes.
Simples, claires ou troubles, ces comptines sont construites sur des faits avérés où les quatre éléments sont à l’œuvre avec le cinquième, qui vient toujours bouleverser le rythme du récit. Bien sûr, il suffit d’une poussière, d’une fumée ou d’un battement d’aile de papillon pour chambouler la prédiction.
La terre, l’air, l’eau et le feu s’associent en plusieurs équations à virgules flottantes pour créer le vent, les nuages, la pluie, la grêle, le tonnerre, l’éclair et la neige.
Boucles vidéos 7 minutes environ, installation: dimensions variables (minimum: 500 x 300 x 280 cm).


« La tête dans les nuages »
D’un ciel radieux sans l’ombre d’un nuage, les rayons de soleil chaud et colorés viennent caresser longuement les eaux tranquilles de la mer. La mer aime cette sensation et se réchauffe lentement. Une fois qu’elle se sent bien confortable, elle commence à se protéger du soleil en faisant de la vapeur au-dessus de sa surface. Elle en crée une telle quantité que le soleil s’estompe derrière une brume légère qui monte tranquillement dans les airs en rafraichissant l’atmosphère. Bien sûr, en montant là-haut dans le ciel, comme il y fait un peu plus froid, toute les minuscules gouttelettes d’eau, qui forment la vapeur, se rapprochent les unes des autres pour se tenir un peu chaud. Ainsi les premiers nuages apparaissent, gambadant dans le firmament comme de beaux et fiers chevaux blancs. A mesure que ces chevaux grimpent dans l’azure en fouettant l’air de leur crinière, le vent se lève et commence à embarquer tous les nuages vers de nouveaux horizons.
Le vent se renforce, tournoie et les nuages dansent joyeusement en changeant de forme, de taille et de couleurs.
Après quelques jours de voyage, les nuages se sont rassemblés pour ne former qu’un seul grand navire volant. La terre approche et l’on voit à l’horizon les premières montagnes ensoleillées.
D’autres grands navires célestes naviguent dans les parages. Ensemble, ils dépassent la cote et ses plages et, poussés par une brise de plus en plus vigoureuse, ils commencent à gravir les hautes pentes.
Les sommets approchent ; le soleil disparait. Les nuages arrivent très nombreux au haut des adrets où un air glacé les attend. Plus ils gagnent en altitude plus les gouttelettes s’agglutinent pour se tenir chaud et plus ils grossissent. La taille des nuages est devenue gigantesque et la place vient cruellement à manquer. On voit leur ventre poser sur les plaines assombries, leurs bras puissants tendus sur les pentes escarpées et leurs têtes blanches et bouclées qui tentent de voir le soleil par-dessus les montagnes.
Essoufflés, fatigués de ce voyage sans répit, certains nuages, coincés et bousculés maladroitement par d’autres, se fâchent et lancent des éclairs dans tous les sens en poussant des cris terribles. Les plus lourdement chargé d’eau se percent de part en part et la pluie se met à tomber à verse.
Les pieds dans l’eau, la tête au vent d’orage, ils hurlent tous les uns contre les autres, grondent jusqu’au fond de l’horizon si fort qu’on peut les entendre au loin. Les plus gros et sombres s’illuminent en donnant des coups d’épées de feu. D’autre, furieux, soufflent des tornades pour se faire de la place ; effrayés, les plus petits pleurent tant, que leurs larmes tournoient dans le ciel presque noir.
Le tonnerre, la pluie et les éclairs durent jusqu’à ce que les nuages devenus plus petits et légers parviennent, en s’aplatissant, à passer par-dessus la montagne en de multiples groupes gris fatigués et silencieux.
Le vent se calme, la pluie cesse et le soleil, patient, perce la brume et éclaire les montagnes, les plaines et la mer redevenues calmes.
Xavier Cardinaux Mai 2017
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